N° 011  -  Maurice MAETERLINCK  - Morceaux Choisis.

Ce livre est tiré en 12 cahier(s) de 32 pages il comporte donc un total de 384 pages
soit 350 pages de texte , 16 page(s) d'entête et 18 page(s) en fin de livre.

Primo publication Nelson octobre 1910
in-16, 1fr25, 61 rue des Saints-Pères, 350 + XVIII pp
Illustration : d'après photo Dover street studio

-Liste de dos volumes à paraitre en 1910


Résumé catalogue Que faut-il lire ? Nelson 1923

Ce volume renferme la quintessence de la pensée et de l’art de Maeterlink : ces fragments sont précédés

L'avis de la critique bien pensante de l'époque

***Peut-être vous êtes vous déjà demandé quel est le fond de la pensée, de Maurice Maeterlinck, cet écrivain si en vogue aujourd'hui et dont les initiés ne parlent qu'avec un mystérieux respect ? Dans quelle voie ce nouveau " messie " veut-il conduire l'humanité, quelles lumières inconnues nous apporte-t-il pour guider nos pas ? Je n'ai pas la prétention d'avoir saisi sous tous ses aspects cette pensée ondoyante et subtile qui se dérobe souvent au moment où l'on croit en être maître. Mais s'il est difficile de préciser l'idéal auquel il nous convie, on peut assez aisément, même à travers la série assez hétérogène de ces Morceaux choisis dégager le côté négatif et destructeur de cette pensée.

Pour Maeterlinck, la vie est un mystère indéchiffrable auquel la religion ne peut apporter de solution satisfaisante et définitive. Ecoutez ce qu'il écrit à propos de La mort d'un petit chien : " Il (le chien) occupe dans ce monde une situation unique et enviable entre toutes. Il est le seul être vivant qui ait trouvé un dieu indubitable, tangible, irrécusable et définitif (ce dieu c'est l'homme)... Il n'a pas à chercher une puissance parfaite, supérieure et infinie, dans les ténèbres, les mensonges successifs, les hypo- thèses et les rêves... Il possède la vérité dans la plénitude... (page 105). Comment nous en tirerions-nous, s'il nous fallait servir, tout en restant dans notre sphère, une divinité non plus imaginaire et semblable à nous, puisqu'elle est née de nos pensées, mais un dieu bien visible...? " (page 97). S'il faut tenir compte du paradoxe en ce qui concerne la supériorité du chien, l'attitude du penseur en face de la Divinité n'en est pas, moins dépourvue d'équivoque.

Voici encore une phrase bien significative : " L'humanité-durant des siècles a vécu en quelque sorte à mi-chemin d'elle-même. Mille préjugés, et avant tout les énormes préjugés religieux, lui cachaient les sommets de sa raison et de ses sentiments " (page). Voilà qui ferait bonne figure dans un manuel scolaire nouveau style !

Mais au moins s'il écarte la religion, cet auteur nous présente-t-il un idéal moral bien élevé ? " Sur un sommet, dit la préface, il a élevé un temple de beauté, d'amour et de vérité. Aucune porte n'en défend l'entrée, aucune divinité éphémère ne l'habite ". Je ne sais pourquoi, mais cette vague beauté morale que préconise l'auteur, malgré quelques pages bien senties sur le -silence de la vie intérieure et la sincérité, ne me dit rien qui vaille. Maeterlinck traite avec dédain les vertus passives de patience, de résignation, de chasteté, etc. Voyez plutôt ce qu'il écrit de cette dernière dans La colère des abeilles : On est convaincu, par exemple, que les originales vendangeuses ne peuvent supporter l'approche de l'impudique, surtout de l'adultère. Il serait surprenant que le plus raisonnable des êtres qui vivent avec nous sur ce globe incompréhensible, attachât tant d'importance à un péché souvent fort innocent " (page 159). C'est vers les vertus actives, et surtout l'exaltation de la personnalité, que nous pousse l'auteur. Il ne reconnaît aucune autorité, mais il a confiance en je ne sais quel instinct pour diriger nos efforts dans le vrai chemin.

Voici les conséquences qu'il tire de cette croyance au progrès pour ainsi dire infaillible et inconscient dans la vie sociale. Il exhorte les individus qui sentent en eux cet appel de l'instinct a suivre sans crainte ses impulsions, sans se soucier des obstacles : " Nous ne sommes que trop enclins à temporiser et à nous attendrir sur des ruines inévitables : c'est là notre plus grand tort " (page 177).

Après avoir envisagé comme un aboutissement inévitable et naturel le partage des biens, la suppression de la propriété et le travail obligatoire, après avoir glorifié les violences de la Grande Révolution, voici comment il résume son opinion sur le progrès social : " En tout progrès social, le grand travail et le seul difficile, c'est la destruction du passé. Nous n'avons pas à nous soucier de ce que nous mettrons à la place des ruines. La force des choses et de la vie se chargera de reconstruire ; elle n'a même que trop de hâte à réédifier et il ne serait pas bon de l'aider dans tâche précipitée. N'hésitons donc pas à user jusqu'à l'excès de nos forces destructives, les neuf dixièmes de la violence de nos coups- se perdent dans l'inertie de la masse : comme le choc du plus lourd marteau se disperse dans une grosse pierre et devient pour ainsi dire insensible à la main de l'enfant qui soutient celle-ci " (1). Marat jugeait que la chute de milliers de têtes était indispensable au salut de la société ; je ne suis pas sûr du tout que Maeterlinck le désavouerait. Cet homme, qui vit comme le plus tranquille des bourgeois et lance avec sérénité de pareils appels à la violence, dans l'espoir d'un progrès très problématique, me paraît plus dangereux que bien des anarchistes militants. Il dira peut-être que je n'ai pas compris sa pensée, mais alors, que n'y apporte- t-il les tempéraments nécessaires ? Ce n'est pas chez ce penseur de mauvais aloi que nos lecteurs iront chercher leurs directions. La beauté du style et l'élévation de certaines pages pourraient leur faire illusion ; mais l'influence qu'ils subiraient n'en serait pas moins néfaste. Souhaitons en terminant que la collection Nelson choisisse avec plus de prudence les leçons de beauté morale et d'idéal qu'elle veut offrir à ses lecteurs. Cet exemple prouve qu'on ne saurait avoir en elle une confiance aveugle, et que les préfaces les plus enthousiastes ne couvrent pas toujours une marchandise bien saine.


P. Bruno, in.Romans-Revue 1911/06/15


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